Il était une fois Compostelle.

Il était une fois, il y a une bonne dizaine d’années, Pierre, la cinquantaine Il se demandait « quel sens a donc ma vie?»

Il se disait aussi : j’ai besoin de sortir du cadre, de m’en aller, de marcher, de respirer, de sentir, de contempler, de me relier à quelque chose ou à quelqu’un qui me dépasse ; j’ai besoin de rencontrer et de m’émerveiller…Alors, Pierre s’est mis en chemin, sac au dos, sur le plus beau chemin, celui de Compostelle, à la recherche de l’étoile…Année après année, tronçon après tronçon, du Puy en Velay à Saint Jacques…A la pointe de l’aube, il partait. Le soleil se levait, le coq chantait et la vie s’éveillait …lumière, chaleur, de rares gouttes de pluie, des fleurs, des couleurs, des arbres, des pierres mises en tas, d’humbles chapelles, de prestigieuses cathédrales, des ponts, des portes, des rivières, des sentiers, des chemins, des côtes, des collines, des montagnes, des rencontres, éphémères parfois mais toujours profondes, des prières… Par Conques et Moissac et Saint-Jean, par Burgos, Leon et Astorga, Pierre est « arrivé » à Santiago et là, il s’est arrêté, il a regardé, le portique de la gloire, Saint Jacques assis qui « dans un geste placide et serein, accueille le pèlerin fatigué »,il a posé ses doigts sur l’arbre de Jessé, pendant la messe , il a vibré avec des milliers d’autres…Et depuis lors il n’a rien oublié Pierre malgré l’âge qui passe et quelques soucis de santé.
Aujourd’hui, il marche dans sa tête, il marche dans son cœur avec tous ceux et celles qui se mettent en chemin…

Il était une fois, Jacques et François, deux vrais frères qui s’étaient retrouvés après s’être éloignés un peu. La vie est pleine de mystères…

Tous les deux épris de la nature, du grand air, des sentiers qui serpentent, des paysages qui parlent à l’âme plus que les grands discours. Sensibles tous les deux aux signes qui disent plus qu’ils ne montrent.
Un projet les anime : aller à Compostelle, vivre à deux le chemin, celui des origines, le couvrir de leurs pas, de leur souffle, se perdre dans ce grand tout de la terre et du ciel pour mieux se retrouver…De leurs mains, ils composent bâton et calebasse, coquilles et fioles en verres pour accueillir le temps qu’il faut une fleur, un brin d’herbe…

Ils sont encore ici mais déjà ils sont là. Tout est encore secret, à découvrir, mais déjà se lève le voile et apparaît ce bout de terre qui donne envie de voir plus loin encore. Au bord de la route, ils piaffent d’impatience, attendant pour demain le signal du départ. Sans arrêt ils y pensent, ils en parlent , ils y sont corps et âme…

Il était une fois Pierre, il y a quelques semaines…Il reçoit des mains de Jacques un petit personnage façonné par les mains de François. C’est un pèlerin, un marcheur, un Saint Jacques…

Pierre est ému. Il pose ce personnage, le regarde, s’y retrouve. Il y retrouve aussi Jacques et François et tant d’autres.

Avec eux, il ira en chemin, dans son cœur, dans sa tête ; il les accompagnera….
Sans quitter sa maison, son jardin., il verra le lever du soleil au pied de la colline. Il sentira la rosée du matin lui chatouiller les pieds. Il entendra le chant du coq. Il goûtera aux couleurs, aux senteurs, au bonheur des rencontres éphémères et profondes. Dans l’immense et prestigieuse cathédrale de Santiago, il posera enfin son front sur l’arbre de Jessé et puis quand s’élèveront les chants et la voix des orgues , il se taira,il écoutera encore l’immense vibration du monde..

Pedro del camino